dimanche 11 novembre 2007

Mes Raisons

S’il est vraiment nécessaire de justifier la création de ce genre d’espace (ce blog), je ne saurais donner des raisons crédibles sinon la mode et le besoin de s’ouvrir, le besoin de « thêser » comme dit le Camarade Mai Abdou Mai dit Bayi.
Je voudrais « partager » quelques « expériences » de la vie avec mes compatriotes, avec les amis… ;
Je voudrais donner des points de vue personnels sur la vie de mon pays ;
Sachant que je serai « lu » par tous ceux que le hasard conduira sur ce blog, je me propose de voir par moi-même quelles réflexions je serai capable d’assumer. Comme on le sait, il est difficile de partager certaines réflexions ; tant pour les risques, nombreux, qu’une telle entreprise fait courir pour son auteur parlant des autres et de la vie publique, que pour le travail nécessaire de clarification que nécessite une telle « publication ».
Je ne sais pas si j’en serai capable.
Pourtant depuis mon jeune âge, j’ai pris l’habitude de parler des questions générales, de prendre la parole dans des assemblées de mes camarades.
Je crois que c’est mon jeune maître, Mahamane Dan Galadima, qui le premier, m’avait montré que l’instruction me donnait quelques responsabilités. J’étais le premier élève de mon village, sinon le premier élève de ma petite zone rurale. Les misères de la famine de 1974 au Niger, (plus généralement dans les pays du Sahel), était un des sujets sur lequel notre jeune maître ne cessait de rouspéter. Nous l’écoutions sans savoir que quelqu’un pourrait avoir une quelconque responsabilité dans ce drame (à part Dieu, bien entendu). Nous ne pensions pas que les populations sans ressources puissent être secourues sinon par la solidarité traditionnelle entre familles.
Je ne saurais dire comment notre école obtint le privilège de recevoir des « vivres » pendant que les chefs de villages étaient convoqués à Kornaka ou à Ajekoriya pour récupérer des aides. A l’école, des américaines et des agents d’ « Animation » de Dakoro nous servaient de la bouillie enrichie pour atténuer les effets de la malnutrition dont tous les élèves étaient victimes. Nos parents devraient se contenter de quelques kilogrammes de lait américain qu’ils allaient chercher à des dizaines de kilomètres à Kornaka ou Ajekoriya. C’est avec le coup d’état de Kountché que les vivres seront variés, la quantité aussi changea.
Notre maître, toujours frustré, avait certainement maintes fois fait remarqué ce changement dans l’octroi d’aide « aux éprouvés», comme on disait à l’époque.
Quand j’obtins ma bourse pour l’entrée en sixième, les disettes sévissaient toujours.
Nous rentrions en « ville » (Dakoro) et faisions l’expérience des révoltes scolaires.
Pêle-mêle, les plus âgés des élèves nous parlaient de la lutte des scolaires pour les droits du peuple et les droits de ses fils, les scolaires. Nous verrons d’ailleurs des élèves du Lycée de Maradi victimes des répressions policières, conséquences des mouvements qu’ils organisaient.
Même s’il nous donnait quelques fois des touques de biscuit américain avarié, Yahaya Moussa, le directeur du CEG de Dakoro, faisait régner la terreur par les punitions qu’il infligeait aux élèves. Deux ans plus tard, le CEG de Dakoro connaîtra sa grande grève suivie de casse au domicile de Yahaya Moussa, le directeur. Tandja, à l’époque préfet de Maradi, réprimera sévèrement ce mouvement.
Je vus des élèves qui gardèrent le lit pendant un an à cause des coups reçus. L’inspecteur (ou l’officier de police) Saidou Dan Haoua faisait partie du lot. Le président de l’Association des Elèves du Collège de Dakoro Mamane Inti subit le même sort.
Je ne m’expliquais pas un tel châtiment. Je connaissais les hauts faits de l’autorité. Mais c’était sur des paysans. Jamais sur des « instruits », mis à part les élèves du Lycée de Maradi que je ne connaissais pas vraiment.
Quand le nouveau directeur Acosta François me sauva d’une exclusion certaine pour raison d’indiscipline, je finissais de m’installer dans la rebellion. J’avais acquis la conviction que l’autorité ne nous aimait pas puisqu’elle pouvait prononcer mon exclusion scolaire pour un rien, elle pouvait battre à mort des petits enfants que nous étions pour des actes inconsidérés que seul notre jeune age rendait possible.
Lorsque je fis mon entrée en Seconde du Lycée de Zinder, je n’hésitai pas à intégrer le cercle des élèves "politiques". Je lisais tout ce que les Mamane Tarno, feu Gomna, Zika, plus tard Feu Ayouba Antchan nous proposaient à lire.
Mes souvenirs retiennent cette période comme la période de ma « prise de parole » en A.G., (en public). Depuis lors je n’avais cessé de le faire. Très actif, je fus membre du C.E. (comité exécutif de l’union des scolaires) de relève. Pendant la grève de 1982 je jouai un rôle plus marqué. C’est donc tout naturellement que je serai « Meneur » en 1982-1983 quand le CMS supprimera le régime d’internat au Lycée. Je connus les menaces des autorités administratives, celles des « parents » d’élèves (en réalité membres du mouvement Samaria à la solde du régime CMS), et même le courroux du redouté Feu Sarki Bouzou (Chef de Province de Maradi) qui, un jour, ne put s’empêcher de nous souhaiter le vilain avenir de "couper la paille"!
Toutes ces autorités prenaient les élèves pour des ingrats auxquels l’Etat offrait du macaroni dont ne pourraient en rêver leurs géniteurs ; à l’époque c’était un luxe alimentaire…
A cette période je participais tout naturellement aux négociations, ou même les conduisais. Je fus exclu de l’école pour cette raison…L'ex deputé Sabo Saidou, Feu le syndicaliste Sahabi Barmou m'avaient marqué leur sympathie...
Je viendrai plus tard à l’Université. Sans bourse jusqu’en Maîtrise à Dakar. C’était Feu Zeilani Jackou qui s’était personnellement déplacé de Loga pour venir m’inscrire à l’Université de Niamey; ce n’était pas évident à l’époque puisque les Chaibou Neino, Feu Racha, Issa Djibo, etc. n’avaient pas pu s’inscrire malgré leur Bac obtenu l’année précédente. Nous allions tous nous retrouver, tous les pestiférés de 1983 dans une grande salle du rez-de-chaussée du Bâtiment Sanki.
L’USN était interdite par le régime CMS. La plupart de ses dirigeants forcés à l’exile au Burkina Faso. Mais c’est le hasard qui me conduisit à Dakar pour la licence. Je me retrouvais sans bourse, sans qu’aucune raison le justifie puisque tous mes camarades inscrits au même cycle avaient désormais la bourse pleine.
Les camarades que j’avais trouvés à Dakar (Kader Lawel, Bangana, Abarchi, Chanono, Abdou Adam, etc.) me permirent de ne pas y penser par leur solidarité. Je vécus d’ailleurs de cette façon pendant mes 2 ans à l’Université de Niamey.
Je n’étais pas dépaysé à Dakar à cause des libertés publiques dont on pourrait jouir, de l’unité des scolaires Nigériens, de la vie intellectuelle, politique.
L’année de mon arrivée, je fus élu Secrétaire Général de l’USND (Union des Scolaires Nigériens, section de Dakar). L’année suivante, mes collègues me feront l’honneur de m’élire Président de la même Association. Je participais à la vie des petits groupes d’Etudes Marxistes avant de me faire coopter (officiellement) dans un groupe politique clandestin Nigérien.
C’est fort de mon expérience dans le mouvement estudiantin que je proposais à l’époque la création de l’ « Union Démocratique des Etudiants Nigériens » (l’UDEN à la place de l’USN refusée par le pouvoir). Cette idée fut combattue puisqu’elle envisageait la séparation Elèves (primaire, secondaire) et Etudiants (Université et écoles supérieures).
Contre l’avis du Camarade Bazoum Mohamed, je rentrais au pays après ma maîtrise. Je voulais travailler. Sanoussi Jackou me proposa de le suivre à l’IRSH, je crois. Je le trouvais très paternaliste, féodal et versé dans la religion pour le suivre et gâcher les bons rapports que nous avions à l’époque.
Je remplaçai donc Bazoum au Lycée de Tahoua, comme professeur de Philosophie.
C’était Sorka Mounkaila, (enseignant, syndicaliste proche de Bazoum) qui m’accueillit dans le milieu. Je donnais des coups de mains au SNEN malgré l’interdiction qui m’était faite en tant que « Civicard ». Plus tard, je donnerai des conférences publiques. Il faut dire que la lutte pour la démocratie était engagée. Le régime Ali Saibou était chancelant.
Membre fondateur du Parti Nigérien pour la Démocratie et le Socialisme, désormais Secrétaire Général de la Fédération de Tahoua, je quittai le bureau de l’USTN et du SNEN pour éviter le cumul et me consacrer à la politique, la seule chose vers laquelle devait me conduire la lutte syndicale. Avec mes amis de Tahoua (Sorka, Racha, Mahamadou Malan Moussa, Abdou Lawan, Tambari, Nabagaye, Ali Bety, etc. et l'appui des camarades Issoufou Mahamadou, Kadi Abdoulaye...nous installions les structures du parti dans la region de Tahoua.
La nécessaire lutte syndicale doit, ne serait-ce qu’à terme, s’accompagner d’une conscience politique. La conscience politique conduit à l’engagement politique. C’est comme ça que je voyais les choses.
Je partis donc pour la politique. Depuis lors, j’y suis resté. Je ne répugne toujours pas à prendre la parole.
Deux fois j’étais candidat à un poste électif. La première fois, c’était les élections locales organisées par le régime Baré, un scrutin qui sera perturbé et finalement annulé.
La deuxième fois, c’est à l’occasion des élections législatives de 2004…
J’avais participé aux luttes de FRDD au temps du régime Baré. Je connus même la prison de Maradi pour 3 mois avant d’être déporté à Niamey par des Paras pour quelques jours. Mes compagnons d’infortune étaient entre autres les gouverneurs Zeiti Maiga et Yahaya Yandanka du MNSD, les députés Salissou Watsi, Alassane Ali du CDS, l’ex Maire de Maradi Abdou Liman, le Commerçant Abdou Manzo, Salissou Leger, Noura Abdou Waziri, etc.
Ma carrière d’enseignant connut donc des interruptions : Maire de l’AFC pendant 3 ans, depuis 2001 je vis à l’extérieur.
Mais je suis suffisamment attaché à mon pays que je visite regulierement qu’il y’a encore des gens qui pensent que je vis encore au Niger.
J’ouvre donc ce Blog pour parler de mon pays, de ses réalités quotidiennes. Je parlerai, nul besoin de le dire, à partir de mon expérience, de mes rêves pour ce pays. Je parlerai de l’actualité qui retiendra mon attention en Afrique et dans le monde. Je parlerai des questions graves et légères. Je prends la vie au sérieux parce que, absurde soit-elle, le bonheur est un état auquel nous aspirons tous avant le retour dans l’inconnu ou dans le néant ; l’injustice ou le sentiment d’injustice nuit au sentiment de bonheur, à l’équilibre de la personne.
Participant de l’absurdité de la vie, aspirant au bonheur malgré ou à cause de cette absurdité de la vie, j’aime blaguer, me moquer de moi-même et de tout.

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